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Le sol suisse

Il est notre maison, notre vie sociale et notre milieu naturel. C’est sur le sol que prend place toute la diversité des vies économiques et culturelles qu’entreprend chacun(e) d’entre nous. C’est sur le sol que nous créons des amitiés et exerçons nos professions ainsi que notre vie politique au travers de la démocratie directe.

 

Inquiété par l’urbanisation progressive de la Suisse, un comité d’initiative demande le gel des zones à bâtir dans les villes et les villages ainsi que le gel des cultures et de l’élevage hors-sol dans l’agriculture. Les cultures hors-sol sont des serres et des étables bétonnées qui vont souvent à l’encontre des paysages agricoles souhaités. Bien que personnellement opposé à l'initiative, j'aimerai saluer les initiants sur ce point. J’aurai même soutenu l'initiative s'il n’y avait pas cette intention de geler les zones à bâtir dans les zones habitées. Même avec la création d’une bourse d’échange, ce gel de la zone à bâtir va à l’encontre d’une gestion flexible et raisonnée du territoire. L’acceptation de l’initiative serait une désagréable révolution : elle produirait un rush sur les terrains qui ferait grimper les prix dès le lendemain de son acceptation. Et il est incertain que la bourse d’échange incite à construire au « bon » endroit... Cette mesure extrême serait un saut dans l’inconnu pour la qualité de vie et l’économie en Suisse. Mais tout de même, l’initiative pose beaucoup de questions pertinentes, même si sa réponse n’est pas adaptée. Continuons à nous intéresser au sol suisse...

 

Se nourrir et vivre en Suisse

Se nourrir dans ce pays fait de lacs, de collines et de hautes montagnes implique la capacité à exporter une production à haute valeur ajoutée. Que ce soit durant l’Empire romain, où l’Helvétie importait des dattes carthaginoises ; que ce soit durant la Suisse des XIII Cantons, où le blé venait d’Alsace, et l’ère actuelle, où les denrées viennent de partout, ce centre de l’Europe où nous vivons a toujours acheté à l’étranger la nourriture que son sol n’arrive pas à produire. La Suisse n’a jamais été autosuffisante et cela ne changera pas avant longtemps.

 

Alors que par le passé l’agriculture suisse était encore en mesure de nourrir une partie du pays en cas de crise majeure, ce n’est plus le cas aujourd’hui : notre agriculture dépend de mines, de chimie et de pétrole étrangers. Tout est importé pour nourrir un sol soi-disant « naturel » et devenu dépendant de ces produits.

 

Ce qui reste, c’est le sentiment que nous disposons d’une agriculture qui sculpte nos paysages et – en restant
optimiste – sculpte notre biodiversité. Mais sinon, le plan Wahlen, hérité de la Deuxième Guerre Mondiale, a perdu son sens.

 

Si nous désirons une agriculture qui fait sens, abandonnons l’idée de l’autosuffisance alimentaire. Produisons ce que nous pouvons avec les moyens disponibles sur place, produisons-le bien et dans le respect des sols, de la santé humaine et de la biodiversité. Dans le cas suisse, une agriculture productiviste n’est pas durable. Cette prise de conscience peut faire mal.

 

Le plan Wahlen a eu un effet sur l’urbanisation à travers la politique fédérale dites des « surfaces d’assolement ». En protégeant toutes les terres agricoles de qualité, la Confédération possède un outil pour orienter l’urbanisation vers des surfaces non-productives. Ensemble avec la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire (LAT), qui exige le respect stricte de la règle des besoins à 15 ans sur la zone à bâtir, les administrations et les urbanistes ont les outils pour coordonner les politiques et densifier l’habitat. L’initiative populaire « stopper le mitage » arrive trop tôt : il faudrait attendre 5 ou 10 ans avant de savoir si de nouvelles mesures sont nécessaires ou non.

 

La densification

La densité de la Commune de Genève est de 12’500 hab/km². Elle correspond à une des qualités de vie les plus élevées au monde avec sa vieille ville, ses parcs, ses grandes avenues, ses hôpitaux, ses bureaux, son fleuve, son quartier des Nations, ses commerces, etc. Le problème de la Commune de Genève sont les voitures « extra-communales » qui compromettent le milieu de vie. La ville souffre ainsi d’une diminution d’attractivité. Les habitants des villes ou des villages denses n’ont pas besoin de voiture. Augmenter la densité d’habitation et réduire le trafic à l’intérieur de l’habitat signifie plus d’espace libre et plus de vie.

 

Une Suisse de 17 millions d’habitants

Si la population suisse, actuellement de 8,5 millions d’habitants, était doublée et que toute cette population vivait dans une densité genevoise de 12’500 hab/km², cela signifierait que 17 millions de Suissesses et de Suisses utiliseraient une surface grande seulement comme... le canton d’Argovie (1’400 km²). Et dans le cas où toute la Suisse vivrait comme au centre de Genève, notre pays de 41’300 km² compterait un demi-milliard d’habitants (sic) et peut-être même un peu plus grâce à la pente de nos montagnes... En se basant sur notre PIB par habitant actuel, nous serions de loin la première puissance mondiale.

 

Bref, vous l’aurez compris, nous ne sommes pas obligé de vivre comme le citadin genevois pour sauver le sol suisse : disons que 9’000 hab/km² nous suffiront. En revanche, un territoire faiblement densifié et entièrement urbanisé (comme les communes de Corseaux et de Paudex, avec respectivement seulement 2’000 et 3’000 hab/km²) couvrirait l’équivalent de la surface des cantons de Berne ou des Grisons pour atteindre les théoriques 17 millions d’habitants. Voilà qui commence tout de même à faire beaucoup de surface gaspillée. C’est la raison pour laquelle il est important de densifier.

 

Bien construire, soigner les paysages, respecter la biodiversité, importer nos aliments et soutenir l’économie

Voilà la stratégie la plus raisonnable à adopter. Bien construire et soigner nos paysages implique de densifier l’habitat et de réduire l’emprise des routes de quartier. Et il est judicieux d’impliquer la population dans la création de l’architecture urbaine ou villageoise. Respecter la biodiversité implique encore une fois de densifier l’habitat, de créer des couloirs à faune et d’encourager l’agriculture à diminuer sa dépendance aux importations. Et enfin, pour soutenir l’économie, rien n’est mieux qu’une densification bien faite et desservie par des trams et des trains. Plus c’est dense, plus les affaires marchent ! Ajoutez à cela que dans un monde correctement densifié, nos routes seraient libres de bouchons : vous obtenez alors un monde rêvé.

 

L’importation de notre alimentation restera par contre toujours notre talon d’Achille.

 

Bien que l’initiative « stopper le mitage » pose les bonnes questions, elle propose deux solutions risquées : le gel de la zone à bâtir et la création d’une bourse d’échange... Bien malin celui qui aujourd’hui peut prévoir les effets indésirables d’une telle décision. Ce serait un saut dans l’inconnu. Nous possédons déjà les instruments nécessaires pour aménager le territoire de manière intelligente (LAT et Lex Weber). Chacun d’entre nous peut agir là où il habite afin d’aménager son morceau de Suisse et d’inciter les autres à en faire autant.

© Tobias Imobersteg 2019

Publié le 7 février 2019. Modifié le 23 février 2019.

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