De la pertinence ou non d'investir dans le réseau routier
Un moyen de transport flexible et génial
On peut comprendre la question des investissements dans la route et dans le rail comme une question technique. Ce n'est pas faux, c'est une question technique en terme de besoins en transport. Et les besoins en transport étant infinis, on peut construire des réseaux à l'infini. En même temps, on oublie le choix de société gigantesque que présente à nous le trafic automobile ou le trafic ferroviaire. Les investissements dans les routes ces dernières 70 années ont totalement changé le visage du pays ! Ils l'ont changés pour le meilleur et pour le pire. De nombreuses personnes qui sont nées et qui ont grandies dans une voiture ne renonceront jamais à leur sésame. C'est vrai, rappelons que l'automobile est un moyen de transport génial. Génial de part sa flexibilité absolument unique.
Mais génial pour qui ? Génial à quel moment ? Et génial dans quel endroit ?
Le problème de la voiture est qu'elle se comporte comme un piéton... Comprenez par là qu'elle peut, comme un piéton, se déplacer partout. C'est ce qui la rend aussi géniale. Résultat : les piétons, mis en concurrence, sont en danger ! Et malgré toutes les techniques de sécurisation qui ont été développées ces dernières décennies, comme par exemple le trottoir ou le passage piéton, le sentiment d’exiguïté sur le trottoir combiné à une forte circulation automobile effraie les piétons, ce qui plombe les commerçants qui ne disposent pas de grands parkings. La présence seule des voitures suffit à réduire le nombre de clients qui rentrent dans votre magasin.
Les commerces qui font face à une rue fortement fréquentée par les voitures sont souvent ceux qui ont le plus de difficultés à faire des affaires. Même lorsqu'ils disposent de quelques places de parc devant leur entrée. Car les voitures font fuir les piétons. Ces derniers prennent donc leur voiture pour aller là où il n'y a pas de voiture... par exemple les grandes surfaces commerciales ou les centres-villes piétonnisés, équipés de grands parkings. Avec leur concept, les grandes surfaces commerciales copient nos anciens bourgs médiévaux : les grandes surfaces se trouvent ainsi à l'intérieur de murs qui sont impossibles à passer. Et il n'existe que quelques passages bien surveillés pour pouvoir entrer et sortir pendant le jour. Et ces surfaces peuvent être fermées la nuit. Pourtant, plusieurs anciens bourgs (les vrais bourgs !) voient des magasins déserter, fermer. Pourquoi cela ? Car il y a des voitures qui roulent dans le centre, ce qui les rend désagréables et dangereux, et que les clients sont éparpillés, plutôt que concentrés. Et c'est sans parler de l'insécurité et des déprédations la nuit. À cela s'ajoute les voitures qui roulent autour du centre, ce qui en barre l'accès. À moins, bien sûr, d'utiliser sa propre voiture pour accéder au centre-ville. Ce cercle vicieux dure depuis plus d'un demi-siècle. Et à cause de cela, les petits commerçants se battent pour avoir des places de parc devant chez eux afin que leurs client-e-s puissent parquer leurs voitures là. Devant chez eux ! Cela alors même que la voiture et l'étalement dans le paysage des habitations qu'elle produit est le pire ennemi des petits commerçants. La grande flexibilité qu'offre la voiture permet aussi d'aller habiter n'importe où ; l'inconvénient est donc que les client-e-s sont éparpillé-e-s dans le paysage.
La question si ce phénomène est bon ou non est un choix de société. Et s'il est évident que l'automobile est indispensable pour le trafic commercial (électricien-ne, fleuriste, ...) ou encore pour les marchandises (camions) et qu'elle est ainsi le meilleur système existant pour faire fonctionner une partie essentielle de notre économie, on peut en revanche douter de la pertinence économique de mettre des millions d'individus dans des millions d'automobiles individuelles ! Il est de la plus haute importance et de la plus grande urgence à ce que le trafic motorisé individuel se voit proposer une vraie alternative sur les transports publics. Surtout pour des piétons qui montent dans des trams et dans des trains. La distinction entre route et trottoir disparaitrait à nouveau et l'espace de nos villes et de nos villages serait rendu aux riverain-e-s. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aurait plus de voiture. Elle restera importante. Les routes devraient être réservées pour les commerçants et les marchandises qui requièrent une flexibilité totale, ainsi que pour les habitations isolées ou encore pour les inconditionnel-le-s de l’automobile, qui refuseront toutes leur vie de monter dans un train. Ces derniers adorent la voiture au point de vouloir l'imposer tous les jours à tout le monde ! La voiture est un moyen de transport génial, c'est vrai, mais elle pénalise grandement notre qualité de vie, indépendamment du fait qu'elle soit autonome électrique ou à moteur à explosion, le problème est constant depuis 70 ans et il est nécessaire de trouver des solutions pratiques et économiquement intéressantes.
Publié le 12 février 2017
Modifié le 22 août 2022
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